Quand le sang doit cesser de couler

On lui avait fait traverser des couloir, on lui avait fait descendre des escaliers pour arriver dans un drôle de couloir, différent des autres, faisant émaner une atmosphère glauque. Des lampes de néons passaient au dessus de sa tête inlassablement, projetant son ombre sur le sol gris. Le garde la trainait depuis un temps qui lui semblait interminable, elle en avait marre, elle avait envi que les douleurs cessent, et qu'on la laisse tranquille. Elle voulait retourner dans son ancien établissement. Cet endroit, d'après l'aperçu qu'on lui avait donné, n'avait rien à voir avec les autres prisons, c'était l'enfer, l'enfer... Mais le plus inquiétant, était qu'elle n'était pas encore morte, elle était bien vivante, elle pensait encore, pouvait parler encore, elle respirait et sentait bien l'existence de ses nerfs déchirés par les balles de Mr. Tyser.
A travers ses paupières mi-closes, elle vit sur le sol de vieilles traces de sang, signe qu'elle n'était certainement pas la première à avoir reçu un tel châtiment, ce qui l'aurait aussi étonné.
Le gardien qui la tenait par le bras ouvrit une porte, et elle senti qu'il la soulevait un peu plus, pour la coucher dans un lit qui ressemblait fortement à un lit d'hôpital. Le garde sortit des menottes qu'il accrocha au lit et aux poignets de Roxane pour la tenir en place, malgré que ça ne soit pas vraiment nécessaire. Puis, ils attendirent un médecin, ou un infirmier, peu importe.
La Hargneuse commençait à avoir froid. Elle commença à frissonner, bien que son front soit brûlant. Elle avait fermé les yeux, recroquevillée avec son genou gauche et ses deux bras en charpie.

Carmilla Millacira Tepes n'était pas vraiment le genre de femme que l'on a envie de voir dans une Infirmerie. Cependant, lorsqu'un patient souffrait gravement, on accueillait souvent sa venue avec des sourires pleins d'espoir... Avant de la voir manier ses scalpels !
Aujourd'hui encore, elle était la seule de service, se promenant désouevrée dans les salles, près des malades incurables... Mais voici qu'une jeune demoiselle venait la tirer de ce long ennui.
Le garde l'avait bien attachée, comme il le fallait. Elle était vraiment dans un mauvais état.

Carmilla demanda quelques informations au gardien avant de le laisser partir. Elle inspira profondément se frotta les mains et se craqua les doigts :

- Parfait, miss Eigoel, si c'est bien votre nom, à nous deux....

Elle adorait expliquer à ses patients ce qu'elle allait leur faire, avec quels moyens....

- La prison ne dispose hélas, pas de moyens très forts d'anhéstésie, je devrais donc procéder à des petites anhésthésies sur chaque membre qui a été touché... Joliment touché, ce n'est pas la première fois que le Directeur m'envoie des patients en mauvais état...

La scientifique hamish retira ses anciens gants de plastique, en mis des neuf et tira la tablette des scalpels. Qu'elle aimait les voir reluisants de toute beauté, sous la lumière tremblantes des néons.... Ça lui rappelait tellement de beaux souvenirs...

Carmy se tourna vers la patiente qui semblait toujours trop dans les vapes pour bien savoir ce qu'elle disait ou ce qu'elle faisait. Elle pointa un petit scalpel vers le ciel, pour en faire briller la lame...

- On va commencer par celui-là.... C'est un de mes préférés... Je vais voir votre bras droit, pour commencer, voulez-vous ?

Ce n'est évidemment pas une vraie question, mais elle aimait bien parler, à moitié toute seule, avec la présence d'un patient, pour se dire qu'elle ne devenait pas complétement folle....

Quelqu'un s'était approchée du lit de Roxane, et discutait à présent avec le garde qui l'avait amené ici. La prisonnière ouvrit difficilement les yeux, à moitié éblouie par toute cette lumière blanche et tremblotante qui éclairait la pièce. Elle tourna la tête vers l'infirmière, alors que le garde quittait la pièce, enfin libre. Cette dernière ce mit à lui parler, apparemment de ce qu'elle allait faire. Pas de moyens très forts d'anesthésie... Qu'est-ce que c'était que cette histoire encore? Ils se moquait d'elle... De tous les prisonniers, c'était vraiment intolérable! La prisonnière tenta de bouger un peu les poignets, leurs mouvements étant limités par les menottes et par la douleur que provoque l'acier dans la chair.
Puis, la scientifique attrapa une sorte de tablette avec de nombreux instruments à lame, brillants à la lumière. Roxane frissonna, autant de froid que d'effroi. Qu'allait-elle faire? Sa tête lui tournait horriblement, elle avait des vertiges et avait mal au cœur.
Carmilla prit un de ces objets étincelants, et le leva un peu vers le plafond.
La Hargneuse émit un gémissement, tirant un peu sur ses menottes. Elle ne voulait pas qu'on la touche, ce lieu, cette femme... Tout cela ne lui disait rien, qu'on la laisse... Elle referma les yeux un instant.

- Qu'est-ce que vous allez faire avec ça? ...Laissez moi, je veux partir...

Elle tenta de lui tourner le dos, mais fut une fois de plus empêchée par ses liens.

Apparemment, la patiente venait juste de revenir à elle.

* Et j'ai parlé pour rien pendant ce temps...*

Or, Carmilla était de la meilleure humeur qu'il se put chez une scientifique hamish et elle ne perdit pas patience. Elle se contenta de se tourner doucement vers la demoiselle et pencha sa tête légèrement sur le côté avec un étrange sourire.

- Je récapitule tout, pour vous ! Alors, la prison ne dispose pas de moyens d'anhésthésie pour me permettre de vous anhéthésier totalement... Je vais donc anhésthésier chaque partie de votre corps qui a été touchée...

Elle reposa doucement le petit scalpel sur la tablette, alla chercher une seringue avec un petit bocal d'anhésthésiant. Il n'était pas sévère, mais si sa patiente se détendait un maximum, elle ne sentirait même pas le scalpel entrer !
Carmy prépara la seringue avec une grande précision et se tourna de nouveau vers la jeune femme :

- Parfait ! Ne vous agitez pas trop, vous n'arriverez qu'à faire rentrer les balles un peu plus dans vos muscles... Détendez-vous au maximum... Ne vous inquiètez pas, je suis de service "infirmière" aujourd'hui, je ne me livrerais pas à des tortures immenses sur vous...

Elle fit rouler son fauteuil jusqu'à la table d'opération et sourit à sa patiente, comme à une complice.

* Rhalala, je vais finir par croire que tu es gentille, ma Carmy... Mais n'importe quoi !*

Carmilla Millacira se pencha vers le bras droit et planta sa seringue juste au dessus de la plaie, aggrandie par les mouvements désespérées de celle qui la portait.

- Maintenant, je vais extraire la première balle de votre muscle grâce au nanno scalpel, celui que vous avez vu tout à l'heure... Facilitez-moi la tâche et restez détendue !

* Le Directeur me l'a bien abîmée cette fois-ci*

Elle prit le scalpel sur la tablette, raffermit sa prise dessus avec agilité et doucement, le rentra dans la plaie...

*Ça y est, ma Carmy, tu l'as !*

- Ne bougez surtout pas maintenant !

La respiration de la prisonnière s'était accélérée, elle commençait à avoir peur de cette femme à l'air étrange. Elle vit la seringue s'approcher, et se concentra pour ne pas bouger, comme Carmilla le lui avait conseillé, ce n'était pas la peine d'aggraver les choses, et elle tenta de se détendre, mais cet endroit qu'elle trouvait glauque ne l'aida pas vraiment.
Elle grimaça quelque peu en fermant les yeux, sentant l'aiguille s'enfoncer dans sa peau.
Puis, son bras s'engourdit, et lorsqu'elle rouvrit les yeux, la lame du scalpel était déjà dans la plaie de son bras droit, farfouillant dedans pour extirper la balle. Roxane fut soulagée de voir que l'infirmière n'y allait pas comme une sauvage, elle semblait concentrée, bien que la prisonnière se sut pas si elle l'était vraiment. Peut être que cette femme était différente des autres membres du personnel de la prison après tout...
La Hargneuse fit de son mieux pour ne pas bouger. Une fine pellicule de sueur s'était formée sur sa peau, et la douleur qu'elle ressentait dans son autre bras et dans son genou gauche la faisait trembler légèrement.
Bientôt, la balle atterrit avec succès sur la tablette où reposaient quelques scalpels. Roxane poussa un soupir de soulagement. Elle n'avait pas quitté l'opération des yeux, et trouva qu'elle s'en sortait plutôt bien.

*Enfin... Pourvu que ce soit aussi facile pour les deux autres...* Se dit-elle.

Son regard se leva vers l'infirmière alors que le scalpel recouvert de sang avait quitté sa plaie.